Dernière tocade du business mode, l’intelligence artificielle est le sujet le plus hype du moment. Et le grand enjeu économique de demain avec un marché estimé à 50 milliards de dollars d’ici à 2020. Pour comprendre son utilité dans la mode, L'Officiel a rencontré deux jeunes start-uppers de choc.

Tony Pinville, CEO d&#39;<a href="https://www3.heuritech.com">Heuritech</a>

D&eacute;but&nbsp;2018, avec son alter ego Charles Ollion, il figurait en bonne place du classement des &ldquo;100 Fran&ccedil;ais qui comptent dans l&rsquo;intelligence artificielle&rdquo; aux Troph&eacute;es de l&rsquo;Entreprise, &nbsp;d&eacute;cern&eacute;s juste avant la remise du rapport Villani. Dix mois plus tard, ces deux docteurs en IA &agrave; l&rsquo;esprit potache concluaient l&rsquo;ann&eacute;e en beaut&eacute; en remportant pour leur jeune entreprise &nbsp;Heuritech le prix de la meilleure solution IA &nbsp;de l&rsquo;ann&eacute;e 2018 aux Remode Fashion Awards de &nbsp;Los Angeles, le nouveau rendez-vous mode de l&rsquo;innovation technologique. Pr&eacute;curseurs et leaders &nbsp;du &ldquo;deep learning&rdquo; en France, ils n&rsquo;ont pas fini de nous surprendre.

Heuritech, cinq ans d&rsquo;&acirc;ge, s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; effectuer son deuxi&egrave;me tour de table, apr&egrave;s une premi&egrave;re lev&eacute;e de fonds en amor&ccedil;age de 1,1 million d&rsquo;euros il y a deux ans &agrave; peine via Serena Capital. L&rsquo;entreprise, qui emploie aujourd&rsquo;hui 30 salari&eacute;s (dont huit docteurs en IA), a pour ambition de d&eacute;mocratiser l&rsquo;intelligence artiﬁcielle et s&rsquo;est sp&eacute;cialis&eacute;e dans un enjeu de taille: la reconnaissance visuelle, qu&rsquo;elle met aujourd&rsquo;hui au service de la mode et du luxe.

Elle est le &ldquo;Shazam&rdquo; prospectif que toutes les marques r&ecirc;vent de s&rsquo;offrir, pour en savoir plus sur ce que deviennent leurs produits une fois achet&eacute;s, et ainsi maximiser leurs chances de les vendre. &ldquo;En 2013, lorsque nous nous sommes lanc&eacute;s dans l&rsquo;aventure, explique Tony Pinville, 38 ans et CEO d&rsquo;Heuritech, on parlait d&eacute;j&agrave; de big data (m&eacute;gadonn&eacute;es, ndlr), mais personne ne s&rsquo;int&eacute;ressait &agrave; ce qu&rsquo;on pouvait en faire, &agrave; la fa&ccedil;on de synth&eacute;tiser tant d&rsquo;informations, et &agrave; quoi &ccedil;a pourrait bien servir ! Beaucoup les stockaient sans chercher &agrave; voir plus loin. Or c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce qui nous int&eacute;ressait: mettre en place un syst&egrave;me d&rsquo;analyse capable de r&eacute;pondre aux attentes des entreprises.Vous avez des datas, nous allons les traduire pour vous, leur donner un sens et une fonction.&rdquo; Le projet Mastering Machine Learning, comme l&rsquo;annonce la page d&rsquo;accueil d&rsquo;Heuritech, &eacute;tait n&eacute;. Une petite r&eacute;volution &agrave; l&rsquo;&eacute;poque.

Cette envie de mettre l&rsquo;IA au service de l&rsquo;industrie, de &ldquo;l&rsquo;&eacute;vang&eacute;liser&rdquo;, a toujours &eacute;t&eacute; le leitmotiv des deux jeunes ing&eacute;nieurs depuis leur rencontre en 2009 sur les bancs de la fac alors qu&rsquo;ils terminaient leurs th&egrave;ses. L&rsquo;intitul&eacute; de celle de Tony, retourn&eacute; en cours apr&egrave;s dix ans comme d&eacute;veloppeur web, laisse r&ecirc;veur: &ldquo;Robotique &eacute;volutionniste: inﬂuence des pressions de s&eacute;lection sur l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une forme de m&eacute;moire interne&rdquo;. &ldquo;Nous sommes arriv&eacute;s au bon moment, pr&eacute;cise ce dernier. La bonne combinaison de facteurs &eacute;tait l&agrave;: les machines &eacute;taient de plus en plus puissantes et les donn&eacute;es de plus en plus nombreuses. M&ecirc;me s&rsquo;il faut bien reconna&icirc;tre que l&rsquo;IA n&rsquo;&eacute;tait pas tendance. On en parlait tr&egrave;s peu en entreprise, il ne se passait pas grand-chose. Et puis il y a eu ce buzz de l&rsquo;&eacute;closion du &lsquo;deep learning&rsquo;, et tout s&rsquo;est acc&eacute;l&eacute;r&eacute; d&rsquo;un coup&quot;.

Nous y voil&agrave;&nbsp;! Deuxi&egrave;me grosse r&eacute;volution du milieu apr&egrave;s celle du big data, le deep learning, ou comment apprendre automatiquement &agrave; une machine &agrave; travailler seule en mod&eacute;lisant des donn&eacute;es gr&acirc;ce &agrave; des architectures informatiques complexes. &ldquo;Pour faire simple, on donne &agrave; la machine des exemples, et plus on lui en donne, plus elle apprend &agrave; les reconna&icirc;tre. Charles et moi &eacute;tions d&eacute;j&agrave; bien en place dans ce domaine, et si la premi&egrave;re ann&eacute;e a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s exploratoire, pass&eacute;e &agrave; r&eacute;ﬂ&eacute;chir &agrave; ce que l&rsquo;on voulait faire, tout s&rsquo;est acc&eacute;l&eacute;r&eacute; quand nous avons mis le doigt sur ce qui allait &ecirc;tre la base de notre &lsquo;verticale mode&rsquo;: la reconnaissance d&rsquo;images.&rdquo; Trois milliards d&rsquo;images circulent chaque jour dans le monde&hellip; il e&ucirc;t &eacute;t&eacute; dommage de s&rsquo;en priver. Conviction renforc&eacute;e par&nbsp;une rencontre providentielle avec LVMH ﬁn 2015, lors d&rsquo;un hackathon organis&eacute; par Louis Vuitton, qui ﬁnit de convaincre la jeune &eacute;quipe d&rsquo;appliquer cette technologie de reconnaissance d&rsquo;images au domaine de la mode et du luxe.

Heuritech : toujours plus vite et plus loin

4 ans de recherche-d&eacute;veloppement

2 prix r&eacute;colt&eacute;s en deux ans

30 employ&eacute;s

3 millions d&rsquo;images analys&eacute;es par jour

1,1 million d&rsquo;euros lev&eacute;s au d&eacute;part

2 000 d&eacute;tails d&eacute;tect&eacute;s par image

Une &ldquo;cross fertilisation&rdquo; dont Tony et Charles adorent l&rsquo;id&eacute;e, persuad&eacute;s que le bon r&eacute;ﬂexe est de partir des probl&eacute;matiques et besoins du secteur plut&ocirc;t que des technologies disponibles. &ldquo;C&rsquo;est une exp&eacute;rience incroyable, et les deux parties ont beaucoup appris. Nous parlions des langages diff&eacute;rents, mais sentions que le besoin &eacute;tait l&agrave;. Il nous a bien fallu six mois pour nous faire comprendre des &eacute;quipes LVMH, et vice versa ! M&ecirc;me des plus &lsquo;tech&rsquo; d&rsquo;entre elles. Seul Sidney Toledano adore me challenger, c&rsquo;est un passionn&eacute; du sujet !&rdquo;.

Signe de bonne sant&eacute; des start-ups &agrave; succ&egrave;s, Heuritech conna&icirc;t une croissance multiphasique mais exponentielle. Avec aujourd&rsquo;hui dans son portefeuille clients quelques-unes des plus grosses marques mondiales, de Louis Vuitton &agrave; Christian Dior en passant par Uniqlo, Heuritech traite actuellement pour elles chaque jour trois millions d&rsquo;images issues majoritairement des r&eacute;seaux sociaux.&nbsp;&ldquo;Et encore, c&rsquo;est une moyenne entre ce que traite r&eacute;ellement la machine et ce que nous en retenons ﬁnalement comme informations, au regard de la pertinence de ses r&eacute;sultats. Les logiciels de reconnaissance analysent tout de ces images, du contexte au d&eacute;tail. Jusqu&rsquo;&agrave; en reconna&icirc;tre le code produit ! Et ce gr&acirc;ce &agrave; une succession de diff&eacute;rents modules, des d&eacute;tecteurs. Le premier analyse le contexte global de l&rsquo;image, le deuxi&egrave;me la &lsquo;localisation&rsquo; c&rsquo;est-&agrave;-dire le produit dans son ensemble (un sac par exemple), le troisi&egrave;me le type (sac &agrave; main, &agrave; dos&hellip;), le quatri&egrave;me le mod&egrave;le (son nom, un &lsquo;LV Twist&rsquo; par exemple), le cinqui&egrave;me la couleur, et ainsi de suite jusqu&rsquo;&agrave; en reconna&icirc;tre le code article, quand il d&eacute;tient toute la combinaison. Tous les jours, nous en apprenons un peu plus &agrave; la machine, aﬁn qu&rsquo;elle travaille de plus en plus en autonomie. Nous nourrissons pour elle ce que l&rsquo;on appelle le th&eacute;saurus et ses librairies de tags, une giga-base de donn&eacute;es, comme une encyclop&eacute;die qui r&eacute;pertorie tous les exemples possibles et imaginables de produits mode, en lui en montrant r&eacute;f&eacute;rences et images. Mais &ccedil;a ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas l&agrave; ! Nous lui montrons aussi d&rsquo;autres objets que des produits, car plus vite elle saura reconna&icirc;tre seule son environnement, plus performants seront sa recherche et son analyse. Bien s&ucirc;r, certaines marques, certains produits, sont plus facilement identiﬁables que d&rsquo;autres, et on ﬁxe aussi pas mal de bugs! Je cite toujours le cas de cette hache que le logiciel avait prise pour un sac. Ce sont les limites du syst&egrave;me, mais &ccedil;a reste un bon syst&egrave;me&quot;.

Ces analyses sont ensuite contr&ocirc;l&eacute;es, class&eacute;es et int&eacute;gr&eacute;es directement chez le client dans un &ldquo;dashboard en sas&rdquo;, une sorte de rapport quotidien relativement simple d&rsquo;utilisation, quantitatif et qualitatif, qu&rsquo;il re&ccedil;oit directement en ligne au bureau, apr&egrave;s un &ldquo;set-up&rdquo; initial (mise en place du logiciel) et ensuite un abonnement mensuel. Si le co&ucirc;t d&rsquo;un tel service reste conﬁdentiel, son int&eacute;r&ecirc;t est &eacute;vident: gain de temps, r&eacute;activit&eacute; du march&eacute; en temps r&eacute;el, mesure des performances produits, marketing pr&eacute;dictif, anticipation des tendances, gestion des stocks, adaptabilit&eacute; de fabrication&hellip; Une r&eacute;v&eacute;lation pour le secteur, r&eacute;cemment r&eacute;compens&eacute;e par le prix LVMH de l&rsquo;innovation &agrave; Viva Technologie. Et pour Heuritech, une ouverture des march&eacute;s &agrave; l&rsquo;international, aux &Eacute;tats-Unis cette ann&eacute;e pour commencer, o&ugrave; curieusement la concurrence sur le secteur mode est presque en retard sur eux. &ldquo;C&rsquo;est maintenant qu&rsquo;il faut y aller, demain ce sera d&eacute;j&agrave; trop tard. Nous avons tous les atouts pour le faire, la tech, le secteur, les &eacute;quipes&hellip; Dans ce m&eacute;tier, il ne faut pas craindre d&rsquo;aller tr&egrave;s vite. Il faut saisir les opportunit&eacute;s d&egrave;s qu&rsquo;elles se pr&eacute;sentent, car d&rsquo;ici &agrave; deux ans, il y aura un seul acteur r&eacute;f&eacute;rent dans le domaine. C&rsquo;est comme &ccedil;a que cela marche aujourd&rsquo;hui. Et si Instagram s&rsquo;arr&ecirc;tait demain? Nous regardons d&eacute;j&agrave; du c&ocirc;t&eacute; des r&eacute;seaux sociaux chinois, Sina Weibo, Little Red Book,Tiktok&hellip; Et Heuritech dans dix ans ? Toujours dans l&rsquo;IA, mais dans d&rsquo;autres d&eacute;veloppements.&rdquo; Cette machine est bien partie pour ne plus jamais s&rsquo;arr&ecirc;ter.

<a href="https://www3.heuritech.com">www.heuritech.com</a>

Qui sont les nouveaux tueurs de l'IA à la solde du luxe ? Part 1.

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