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La mode italienne, chantre du maximalisme

Excès de couleurs, d’imprimés, de volumes... la mode italienne, chantre du maximalisme, s’est toujours exprimée avec beaucoup d’éclat. Retour sur une allure singulière.
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Le 6 juillet, Dolce & Gabbana organisait son désormais traditionnel défilé Alta Moda. Une collection de haute couture déroulant tout le savoir- faire du duo terrible de la mode italienne. Pour l’occasion, la maison avait, comme à son habitude, vu les choses en grand : des invités du monde entier furent conviés en Sicile pour trois jours de célébrations, avec pour point d’orgue le défilé de la collection au cœur de l’immense temple grec de la Concorde, érigé dans la ville d’Agrigente. Et celle-ci n’a pas déçu les amateurs de faste et d’excès : richement travaillées, les robes du soir sont apparues brodées de sequins dorés, reproduisant des fresques de la Renaissance, s’accompagnant de capes de velours virevoltantes ou ponctuées de répliques de statues grecques. Les bijoux ornant les têtes ou les bras étaient clinquants à l’excès et parés des pierres les plus précieuses. Une collection façonnée dans la parfaite tradition italienne, quand l’extravagance et le trop-plein d’effets donnent tout son sens au mot maximalisme, dont la mode transalpine s’est fait depuis toujours une spécialité.

Dans les années 1960 et 1970, celle-ci s’exprimait à travers les couleurs franches et assumées du créateur star de l’époque, Emilio Pucci, roi de la jet-set qui articulait ses créations autour d’imprimés psychédéliques. La mode de ces années-là s’exprimait également pleinement à travers la prestance glamour des actrices italiennes, inspirées par leurs homologues hollywoodiennes. La Dolce Vita prend ainsi tout son sens, grâce à Monica Vitti, ses grandes lunettes de soleil et ses parures en léopard, ou Sofia Loren, lovée dans ses imposants manteaux de fourrure. Pour J. J. Martin, créatrice américaine de la marque LaDoubleJ, installée à Milan depuis près de vingt ans et qui a fait du maximalisme le cœur de ses créations la flamboyance italienne est avant tout culturelle : “La mode italienne est glamour et exubérante à la fois, à l’image de ses habitants. L’Italie est un merveilleux pays, ouvert et accueillant, et les Italiens n’ont pas peur d’exprimer leurs sentiments, leur créativité, leur joie de vivre tout simplement. Ils ne sont jamais interloqués par quelqu’un qui porte plusieurs couleurs ou plusieurs imprimés. Je pense que cela est dû au fait qu’ils ont un rapport très expressif à la beauté des choses.”

Le mannequin Veruschka en Pucci, 1965.

LE CHAMP DE BATAILLE DU RED CARPET

Les années 1980 ont quant à elles été marquées par l’essor grandissant d’une marque lancée en 1975 : Giorgio Armani. Avec ses costumes pour homme impeccablement taillés, le couturier originaire de Piacenza répond ainsi à l’envie des Italiens d’afficher avec panache leur réussite sociale. Rapidement, il imagine également une ligne pour femme, en commençant par décliner les costumes qui ont fait sa renommée. Les épaules sont carrées, les volumes et les coupes exagérées, l’allure en impose. Pourtant, lors de la décennie suivante, Giorgio Armani trouvera un concurrent à sa hauteur. La maison créée par Gianni Versace en 1978 se positionne également dans les années 1990 comme le parangon du glamour à l’italienne, le côté sulfureux en plus. Les critiques de mode avaient ainsi coutume de dire que si Armani habillait les épouses, Versace s’adressait aux maîtresses. Et la guerre entre ces deux entités a trouvé son champ de bataille de prédilection : le tapis rouge, enjeu incontournable de

l’époque. Si Giorgio Armani habille de longs fourreaux les sages Jodie Foster ou Julia Roberts lors des cérémonies des César ou des Golden Globes, c’est Versace qui marque durablement les esprits : on se souvient de la robe scandaleuse portée par l’actrice Elisabeth Hurley lors de la première du film Quatre Mariages et un enterrement à Londres en 1994. Retenue par de simples épingles à nourrice (en or tout de même!) sur la moitié du corps, cette robe fourreau à bretelles a sa propre page Wikipedia. Versace réitérera l’exploit du tapis rouge le plus commenté lors de la cérémonie des Grammy Awards de l’an 2000, grâce à une robe verte au décolleté plus que plongeant portée par Jennifer Lopez – la chanteuse confessera avoir dû mettre du scotch sur sa poitrine pour éviter l’incident de parcours. Là où la mode américaine et la nouvelle vague de créateurs belges et japonais défilant à Paris préconisent le dépouillement le plus total, lançant le mouvement minimaliste, la mode italienne, comme une réponse directe, s’en donne à cœur joie dans l’excès, sans jamais s’imposer de limites. Avec Armani et Versace en chefs de file. Ils entraînent dans leur sillage une génération de créateurs hauts 

en style et en couleur : Moschino et ses pièces inspirées du pop art, Roberto Cavalli et son addiction à l’imprimé léopard, ou Dolce & Gabbana et leur penchant pour le baroque grandiloquent. Si Miuccia Prada a de son côté toujours préconisé une mode plus austère, qualifiée d’intellectuelle, c’est à travers sa seconde ligne, Miu Miu, lancée en 1993, qu’elle exprime le grain de folie qui colle à la peau des Italiens, déclinant les couleurs franches, les mix inattendus et les accessoires décalés.

LA NOUVELLE GÉNÉRATION REPREND LE FLAMBEAU

Forte de son héritage, la mode italienne n’a depuis jamais cessé de cultiver son amour de l’extravagant et du too much. Et la nouvelle génération qui occupe le devant de la scène ne manque pas de créativité. Lancée en 2016 par le duo Giorgia Tordini et Gilda Ambrosio, la marque The Attico répond en effet parfaitement au cahier des charges du maximalisme : mix de couleurs saturées, imprimés psychédéliques et parfois déconcertants, vestes et blazers aux épaules surdimensionnées... Le tout est taillé pour la fête et la Riviera italienne. De son côté, Carolina Castiglioni, fille de la fondatrice de la marque Marni, lancée en 1994 et déjà largement saluée pour son excentricité, a lancé son propre label en 2018, sobrement baptisé Plan C. Là aussi, les volumes gagnent en épaisseur, les motifs se superposent et l’allure générale détonne. Le fer de lance de cette nouvelle génération est sans conteste Alessandro Michele, nommé à la direction artistique du géant Gucci en 2015 et qui a depuis propulsé la griffe florentine en tête des labels les plus plébiscités par la jeune génération. “Je ne suis définitivement pas un créateur minimaliste. Je suis ce qu’on appelle un maximaliste. J’en veux toujours plus, plus, plus. C’est ma façon personnelle de communiquer”, déclarait-il en 2016 au magazine Luxuo. Résultat, ses collections pour homme et femme sont, saison après saison, une succession de silhouettes aux matières flamboyantes, façonnées dans des couleurs électriques, recouvertes de sequins, de b oas en fourrure, de diadèmes dorés et de cols lavallière. Un mix surprenant, visuellement bâti pour les réseaux sociaux. La créatrice J. J. Martin confesse quant à elle avoir trouvé en Italie l’endroit le mieux adapté à ses envies de mode : “Le style de ma marque, LaDoubleJ, correspond parfaitement à l’Italie. C’est un pays coloré, audacieux, joyeux! J’ai trouvé le parfait endroit pour faire résonner cette ambiance à travers mes créations.”

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