Nommé en 2010 directeur artistique de Lacoste, le créateur portugais, lauréat du Festival de Mode de Hyères en 2002 – pour lequel il avait dessiné une collection après avoir vendu sa voiture – a fait mieux que réinventer une marque patrimoniale : il l’a faite sienne. Respectueusement, mais avec inventivité, poésie, vitalité.

Vous avez succ&eacute;d&eacute; chez Lacoste &agrave; Christophe Lemaire, qui avait d&eacute;j&agrave; men&eacute; un travail important sur la marque, quels chantiers restait-il &agrave; mettre en route ?

Felipe Oliveira Baptista : S&rsquo;il avait op&eacute;r&eacute;&nbsp;un lifting important, il y avait encore un c&ocirc;t&eacute; &ldquo;week-end&rdquo; que j&rsquo;ai voulu corriger,&nbsp;pour en faire un vestiaire du quotidien,&nbsp;en abolissant les fronti&egrave;res entre la semaine et le week-end.

Peut-on s&rsquo;&eacute;manciper d&rsquo;un patrimoine comme celui de Lacoste ?

Je ne l&rsquo;ai jamais per&ccedil;u comme un fardeau, mais plut&ocirc;t comme un cadre, ou comme un grenier o&ugrave; fouiller et puiser quelque chose de neuf, qui modifie ma perception de la marque. &Agrave; l&rsquo;image de certaines campagnes publicitaires des ann&eacute;es 70, parfois assez politiquement incorrectes...

Quelle serait votre d&eacute;finition du vestiaire Lacoste tel que vous l&rsquo;avez redessin&eacute; ?

Mon approche est pragmatique, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de mati&egrave;res, de confort ou de coupes, j&rsquo;aspire &agrave; une mode facile &agrave; vivre et &agrave; porter, si possible intemporelle.&nbsp;

La g&eacute;n&eacute;ration dite des millenials est aujourd&rsquo;hui l&rsquo;une des grandes obsessions de la mode, la partagez-vous ?

J&rsquo;essaie de travailler de la mani&egrave;re la plus organique possible. Je trouve que ce terme de millenials est un gimmick marketing&nbsp;un peu facile, aga&ccedil;ant. Ceci dit, c&rsquo;est une g&eacute;n&eacute;ration int&eacute;ressante, avec des codes tr&egrave;s diff&eacute;rents de la mienne, qui se soucie peu des clans et des tribus. Et je crois que personne n&rsquo;a trouv&eacute; la recette parfaite pour la s&eacute;duire.

Comment travaillez-vous sur une collection ?

Cela commence presque toujours par&nbsp;un moodboard qui va r&eacute;unir des &eacute;l&eacute;ments tr&egrave;s diff&eacute;rents : des archives, des photos&nbsp;de voitures ou de mobilier, des portraits r&eacute;alis&eacute;s dans la rue, de l&rsquo;art... ou des r&eacute;f&eacute;rences qui n&rsquo;ont rien &agrave; voir avec la mode.

On sent chez vous une pr&eacute;occupation particuli&egrave;re pour les mati&egrave;res...

C&rsquo;est essentiel, et m&ecirc;me consubstantiel &agrave; la marque, depuis le jour o&ugrave; Ren&eacute; Lacoste a d&eacute;coup&eacute; les manches de chemise en popeline blanche. Les tissus et les techniques d&rsquo;assemblage m&rsquo;ont toujours passionn&eacute;,&nbsp;j&rsquo;aime jouer avec les m&eacute;langes inattendus, comme m&ecirc;ler le cachemire et le nylon.&nbsp;En ce domaine, il y a tant d&rsquo;innovations encore &agrave; explorer. Je visite beaucoup de salons de tissus, et je peux aussi ressortir des pi&egrave;ces vieilles de quarante ans de nos archives pour les revisiter.

Comment menez-vous le travail sur l&rsquo;image ?

De mani&egrave;re totalement coop&eacute;rative, avec l&rsquo;agence de pub BETC et la direction du marketing en interne. J&rsquo;interviens dans les choix des photographes et le casting. L&rsquo;id&eacute;e directrice, c&rsquo;est d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;sirable et cr&eacute;dible.

Que retenez-vous de vos &eacute;tudes &agrave; Londres ?

Avant, je ne connaissais rien &agrave; la mode. J&rsquo;en ai gard&eacute; des r&eacute;flexes et, je crois, un certain savoir-faire technique.

Vous &ecirc;tes n&eacute; au Portugal, vous avez &eacute;tudi&eacute; en Angleterre et vous travaillez &agrave; Paris pour&nbsp;une maison fran&ccedil;aise... Vous sentez-vous un cr&eacute;ateur europ&eacute;en ?

Je pense... mais j&rsquo;ai aussi collabor&eacute; avec des marques chinoise, japonaise (Uniqlo) ou am&eacute;ricaine (Nike) ! Cette mobilit&eacute; professionnelle m&rsquo;a aid&eacute; &agrave; saisir des probl&eacute;matiques contemporaines, et &agrave; ne pas &ecirc;tre limit&eacute; par un point de vue strictement europ&eacute;en.

Regrettez-vous d&rsquo;avoir mis votre marque &eacute;ponyme entre parenth&egrave;ses, en 2014 ?

Non, physiquement ce n&rsquo;&eacute;tait plus tenable, m&ecirc;me si c&rsquo;&eacute;tait tr&egrave;s excitant. Porter une soci&eacute;t&eacute; sur ses &eacute;paules, m&ecirc;me en partageant ce poids comme je le faisais avec ma femme, c&rsquo;est tr&egrave;s lourd. J&rsquo;ai pu m&rsquo;investir davantage dans la photographie et le dessin.

A ce sujet, avez-vous des projets pr&eacute;cis ?

Non, c&rsquo;est une d&eacute;marche personnelle, sans&nbsp;agenda, loin des obligations concr&egrave;tes impos&eacute;es par le calendrier rigide de la mode.

Instagram fait-il partie int&eacute;grante de votre travail ?

J&rsquo;ai trouv&eacute; le support tr&egrave;s amusant au d&eacute;but, d&eacute;sormais c&rsquo;est plus banal...

Vous menez une politique de collaborations tr&egrave;s active, avec par exemple Jean-Paul Goude, M/M, Supreme. Qu&rsquo;en retirez-vous ?

Initier des dialogues avec des personnalit&eacute;s issues d&rsquo;univers tr&egrave;s diff&eacute;rents permet de garder la marque toujours en mouvement.

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