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Rencontre avec Michele Clapton, costumière au cinéma

À l’origine de succès tels que Game of Thrones et The Crown, la costumière britannique Michele Clapton nous explique la rôle des costumes dans la portée des personnages.

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Crédits : Getty Images

L’OFFICIEL : Qu’est-ce qui définit votre esthétique ?
MICHELE CLAPTON : Je veux que les vêtements parlent et racontent leur personnage, ce que les mots ne parviennent pas toujours à dire. Si je devais définir mon esthétique, je parlerais “d’appartenance et d’étonnement”, c’est-à-dire que le personnage adhère par son look à l’époque dans laquelle il se trouve, et qu’il est en même temps porteur d’un détail qui fait basculer les choses.

L’O : L’évolution des costumes dans Game of Thrones a contribué à définir les personnages. Lequel a demandé le plus d’attention ?

MC : C’est difficile à dire, car ils étaient tous intrigants à des moments différents. Il est certain que les costumes portés par Daenerys reflètent les différentes phases du récit : les mouvements géographiques, les relations avec les autres personnages de la série, mais aussi la progression de son profil psychologique, de la jeune fille innocente à la mère des dragons.

L’O : Une anecdote ?

MC : Je me souviens de la main métallique de Jaime Lannister. L’artisan spécialisé dans la création d’armures, Giampaolo Grassi, l’a fabriquée, puis nous avons battu le laiton et l’avons gra- vée. Il y avait également les manteaux de Jon Snow. Mon idée était qu’au fur et à mesure que son personnage devenait plus puissant la cape s’alourdissait parce qu’elle représentait la pression et les attentes qui pesaient sur ses épaules.

L’O : Parlez-nous de la garde-robe de la première saison de The Crown.

MC : Très rapidement, je me suis sentie nerveuse. Je ne voulais pas reproduire simplement les vêtements gravés dans l’histoire. Je voulais explorer les personnages qui se cachent derrière. Ainsi, bien qu’il y ait eu une reconstitution parfaite de l’histoire, nous voulions aussi montrer la vulnérabilité de la jeune reine, ce à quoi elle a dû renoncer pour accéder au trône. Et nous voulions également montrer à travers les vêtements de Margaret son absence de but, car rien ne l’attendait, contrairement à sa sœur. C’est pourquoi elle était obsédée par la mode et les couleurs. Lorsqu’Élisabeth monte sur le trône, les vêtements sont rigides, elle est très jeune et intimidée. Ils sont comme une armure qui la protège, ce sont des vêtements de reine, des “uniformes de travail”. Après le couronnement, les deux sœurs divergent, y compris dans leur style. Margaret est plus théâtrale, plus sexy, plus frivole : elle fume, elle boit, elle porte des pantalons, elle porte la mode française. Elle donne une idée de ce qui se passe en dehors du palais. Élisabeth, elle, porte des vêtements plus structurés, avec des corsets et des ceintures, symboles de force. Je suis restée dans les tons lilas que la reine aimait bien. Nous avons pu utiliser de beaux tissus, les décorer, les peindre, les broder. Une astuce importante, lorsque vous avez beaucoup de travail, concentrez-vous sur la partie supérieure du vêtement en premier, là où se trouve la caméra. Les recherches ont commencé six mois avant le tournage, puis j’y ai travaillé exclusivement pendant douze semaines. Nous avons créé 300 costumes à partir de croquis : 60 pour la reine et 40 pour Margaret. Sans oublier les chaussures, les sacs, les bijoux, tous reproduits. Au total, il y avait 300 rôles écrits, et 7 000 figurants, qui avaient entre deux et cinq tenues chacun. Nous avons beaucoup fait des recherches et réutilisé des vêtements d’époque.

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Crédits : The Crown

L’O : Était-ce plus amusant de créer les costumes d ’Élisabeth ou de Margaret ? Ou encore ceux de Wallis Simpson ?

MC : Je crois que j’ai eu de l’empathie pour Margaret. Dès que j’ai commencé à dessiner sa garde-robe, j’ai appris à la comprendre. Il y a eu une sorte de fusion entre les deux sœurs, ce qui vous aide à concevoir les deux personnages. Dessiner Margaret sans la reine n’aurait pas été possible, elles étaient les deux faces d’une même pièce. La même tenue portée par l’une et l’autre était différenciée par des accessoires. Alors qu’Élisabeth la portait avec une ceinture un peu maternelle et un foulard, Margaret la portait avec une ceinture étroite comme une cravate. Avec Wallis, je me suis amusée. Elle portait du Dior et du Schiaparelli, elle fut l’une des icônes de style les plus influentes de son époque. Dans ce cas également, je n’ai pas voulu recopier les vêtements, mais créer ma version. Si je devais faire une comparaison avec Game of Thrones, il peut être encore plus stimulant d’être contraint par des limites, d’avoir un espace fixe dans lequel libérer sa créativité. J’ai travaillé pendant deux ans sur Games of Thrones parce qu’il m’a été offert la possibilité de faire d’autres films en même temps. J’aurais bien voulu continuer avec The Crown, qui ne cessait de continuer à se développer, preuve que cela n’aurait pas forcément été facile...

L’O : Vous avez aussi travaillé pour des projets se déroulant à une époque plus récente, comme Mamma Mia ! Quelle est la différence ?

MC : Dans le cas de Mamma Mia !, il s’agissait d’une comédie musicale, les défis liés à la conception des tenues de scène ont été les plus difficiles. Vous avez des acteurs et des actrices qui doivent danser en portant du lycra ou du spandex. Heureusement, les hommes se sont montrés coopératifs, en premier lieu Colin Firth. Revisiter les années 70 a été formidable, et le film m’a donné l’occasion de travailler avec Cher. Qui n’en rêverait pas ? Je la connaissais déjà alors il m’a été facile de comprendre ce que je devais faire avec son personnage. Elle a adoré les anneaux ondulés que nous avons créés, elle en a même fait la promotion.

L’O : Sur quels nouveaux projets travaillez-vous ?

MC : Je viens de faire le pilote de The Franchise de Sam Mendes, une série produite par HBO, qui se déroule dans le monde de la production des ciné-comics. L’autre projet est une série Netflix.

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