Longtemps cataloguée "truc de grand-mère", la broderie intègre les sphères du cool. Et se fait porte-parole de la slow fashion. Décryptage.  

Plus proche du mythe d&rsquo;Ariane que du passe-temps pour retrait&eacute;, la broderie est aujourd&rsquo;hui l&rsquo;un&nbsp;des secteurs les plus dynamiques de la mode. Chez Maison Lesage, &agrave; Pantin,&nbsp;les ateliers ne d&eacute;semplissent plus, fr&eacute;quent&eacute;s par&nbsp;plusieurs g&eacute;n&eacute;rations d&rsquo;artisans : ceux qui ont connu Fran&ccedil;ois&nbsp;Lesage, le &quot;Gainsbourg de la&nbsp;mode&quot;,&nbsp;et les autres, ex-danseurs, profs, psychologues reconvertis dans l&#39;artisanat,&nbsp;ou jeunes talents issus des grandes &eacute;coles europ&eacute;ennes. Tous s&#39;accordent &agrave; dire que&nbsp;&quot;la broderie&nbsp;n&rsquo;est plus une voie de garage&quot;, beaucoup&nbsp;quittant&nbsp;leur job pour&nbsp;venir travailler chez Lesage.

Il faut dire que Fran&ccedil;ois Lesage et ses pairs ont su cultiver le d&eacute;sir.&nbsp;En 1992, la famille inaugure une &eacute;cole de broderie d&eacute;di&eacute;e aux n&eacute;ophytes comme aux professionnels, au 13, rue de la Grange Bateli&egrave;re. Rachet&eacute;e en 2002 par Paraffection, filiale de la maison Chanel, l&#39;entreprise se voit pousser des a&icirc;les, et innove de plus belle : &quot;Aujourd&#39;hui, la broderie s&#39;impose diff&eacute;remment. On la d&eacute;tourne avec du 3D, du silicone, des LED... Et si le crochet de Lun&eacute;ville et l&#39;aiguille restent les piliers du savoir-faire, les perspectives sont plus modernes. C&#39;est ce qui pla&icirc;t aux jeunes cr&eacute;ateurs : ils arrivent chez nous avec des pr&eacute;jug&eacute;s, comme si la broderie n&#39;&eacute;tait qu&#39;une pose de perles ou de paillettes. Et on leur montre que tout est possible.&quot;&nbsp;nous raconte Murielle Lemoine, directrice de la Maison Lesage.&nbsp;

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"La broderie n'est plus une voie de garage."

Au 32e Festival&nbsp;d&#39;Hy&egrave;res, o&ugrave; Murielle Lemoine officie comme membre du Jury Mode, les jeunes cr&eacute;ateurs ne se privent pas. Parrain&eacute; par Chanel, le laur&eacute;at de l&#39;&eacute;dition 2016 - Wataru Tominaga - a choisi de collaborer avec les Maisons Lesage et Lognon pour sa collection pilote. Au menu ? De la broderie donc, mais technicolor : &quot;Mon point de d&eacute;part &eacute;tait&nbsp;ces&nbsp;costumes traditionnels tr&egrave;s color&eacute;s et fleuris que l&#39;on trouve en Europe de l&#39;Est. J&#39;ai voulu les twister avec des mat&eacute;riaux modernes et masculins, comme la corde. Hubert Barr&egrave;re (le directeur artistique de la Maison Lesage, ndlr)&nbsp;m&#39;a donn&eacute; les clefs pour explorer cette dualit&eacute;. Avec les &eacute;quipes de Lognon, j&#39;ai &eacute;tabli une forme de plissage issue de l&#39;origami.&quot; Cette p&eacute;riode de cr&eacute;ation dans les ateliers&nbsp;est aussi l&#39;occasion pour les jeunes designers d&#39;exp&eacute;rimenter leur style et de tester leurs&nbsp;limites, avant le grand saut&nbsp;: &quot;Plus on a une client&egrave;le importante et plus les choses vont vite. On est pris dans un tourbillon. Quand on d&eacute;bute, on a encore le luxe de pouvoir regarder et admirer son travail. L&#39;artisanat, c&#39;est du temps... Mais, avec la passion, on s&#39;accommode des contraintes et du rythme de la mode.&quot;&nbsp;poursuit Murielle Lemoine.&nbsp;

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Sans cesse challeng&eacute;s ces dix derni&egrave;res ann&eacute;es, la broderie et les m&eacute;tiers d&#39;art donnent d&eacute;sormais le change. &Agrave; Paris et ailleurs, les vocations&nbsp;se multiplient.&nbsp;On pr&eacute;f&egrave;re produire moins mais mieux, finaliser son v&ecirc;tement ou son accessoire&nbsp;&agrave; la main, quitte &agrave; faire des concessions en termes de stocks ou de prix. Le geste artisanal et cr&eacute;ateur prend du grade.&nbsp;Par exemple, chez CSAO (Compagnie du S&eacute;n&eacute;gal et d&rsquo;Afrique de l&rsquo;Ouest), ce&nbsp;sont 70 brodeuses issues de Dakar et de l&#39;&Icirc;le de Gor&eacute;e qui ont contribu&eacute; &agrave; la r&eacute;cente collaboration d&#39;Ondine Saglio avec&nbsp;Bonpoint.&nbsp;Du c&ocirc;t&eacute; de New York, la fondatrice de Lingua Franca, Rachelle Hruska, brode elle-m&ecirc;me ses sweat-shirts engag&eacute;s&nbsp;: &quot;I miss Barack&quot;, &quot;Fake president&quot; ou &quot;Science not fiction&quot;.&nbsp;Dans un registre plus &eacute;pic&eacute;, la r&eacute;dactrice et d&eacute;sormais cr&eacute;atrice&nbsp;Marie Lichtenberg tisse sur ses blouses victoriennes des motifs emprunt&eacute;s au Kamasutra. Diane Goldstein, elle, fait b&eacute;nir ses kimonos brod&eacute;s main par un chaman, juste avant la mise en vente. R&eacute;alisme&nbsp;et authenticit&eacute; pour les uns ;&nbsp;abstraction, avant-garde et virtuosit&eacute; pour les autres...&nbsp;Sans jouer dans la m&ecirc;me cour, ces jeunes marques et la Maison&nbsp;Lesage se rejoignent sur un point : l&#39;art et le go&ucirc;t de travailler autrement.&nbsp;

Détail de la collection de Wataru Tominaga

Stocks de perles dans les ateliers Maison Lesage à Pantin

Détail de la collection haute couture été 2017 de Chanel

Cr&eacute;dit :&nbsp;Chanel / Anne Combaz

Non, la broderie n'est pas has-been

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