Son nom est sur toutes les lèvres et il séduit aussi bien les filles que les garçons exigeants. En quelques saisons, il a imposé une esthétique architecturale inspirée des années 1990, qui ose défier le bon goût. Rencontre avec Glenn Martens, le très romantique directeur artistique de Y/Project.

Texte et interview&nbsp;par Adrienne Ribes-Tiphaine 
Photographie et vid&eacute;o r&eacute;alis&eacute;s&nbsp;par Alexandre Silberstein

Glenn Martens s&rsquo;excuse de ne pas parler un fran&ccedil;ais parfait; il nous propose un caf&eacute;, que nous acceptons volontiers. Ce jour-l&agrave;, &agrave; Paris, il fait froid. Un vent glacial traverse nos manteaux et vient claquer contre nos os. Dans le showroom du cr&eacute;ateur, aux commandes des lignes femme et homme de Y/Project depuis 2013, les radiateurs en fonte sont br&ucirc;lants. De grandes fen&ecirc;tres laissent entrer la lumi&egrave;re. Un beau parquet, des rideaux taill&eacute;s dans un tweed &eacute;l&eacute;gant, de belle facture. Nous sommes bien dans un atelier de couture, avec cette esth&eacute;tique si parisienne, r&eacute;serve &agrave; fantasmes, qui construit la r&eacute;putation de la Ville Lumi&egrave;re. L&rsquo;atmosph&egrave;re est studieuse mais d&eacute;tendue. Le jeune homme, 33 ans &ndash; le plus &acirc;g&eacute; de son &eacute;quipe &ndash;, cheveux blonds en bataille, oreilles perc&eacute;es, jolie chevali&egrave;re &agrave; l&rsquo;annulaire gauche, v&ecirc;tu d&rsquo;un jean noir roulott&eacute;, d&rsquo;un pull col roul&eacute; &agrave; nes rayures jaunes, taille marqu&eacute;e par une ceinture en cuir fatigu&eacute;, prend le temps de nous accueillir avec le sourire. Pourtant, dans une semaine, il pr&eacute;sente sa prochaine collection automne-hiver pour homme, au Globo, ce club parisien du boulevard de Strasbourg, embl&eacute;matique des 90s. Une sympathie communicative, amicale s&rsquo;&eacute;tablit aussit&ocirc;t. Il parle franc, sensible, rapide, efficace. On sait qu&rsquo;il est n&eacute; &agrave; Bruges, voil&agrave; pour cet accent flamand et ces mots quelquefois chahut&eacute;s, revisit&eacute;s. Apr&egrave;s des &eacute;tudes d&rsquo;architecture d&rsquo;int&eacute;rieur, il int&egrave;gre l&rsquo;Acad&eacute;mie royale des beaux-arts d&rsquo;Anvers. Nous sommes en 2008. Rep&eacute;r&eacute; par la maison Jean Paul Gaultier, il part pour Paris. Quelques free-lances, des exp&eacute;riences par-ci par-l&agrave;, puis il ne r&eacute;siste pas &agrave; lancer sa marque sous son nom. Mais c&rsquo;est en 2013, &agrave; la mort de Yohan Serfaty (le fondateur du label), que d&eacute;bute r&eacute;ellement son aventure avec Y/Project. La griffe ne faisait jusqu&rsquo;alors que de l&rsquo;homme. Glenn prend son temps, respecte une p&eacute;riode de deuil difficile. Pose son r&eacute;pertoire esth&eacute;tique, en douceur, mais comme le chante Adamo, un de ses compatriotes, &ldquo;en douceur et profondeur&rdquo;. Avec le soutien de Gilles Elalouf, le pr&eacute;sident, il d&eacute;veloppe les collections femme. Mais surtout pose l&rsquo;unisexe comme art&egrave;re de sa r&eacute;flexion cr&eacute;ative. Une troisi&egrave;me ligne. Un troisi&egrave;me sexe. Car la force de la marque Y/Project se situe dans cette mani&egrave;re de dig&eacute;rer la mode, de gommer les fronti&egrave;res entre filles et gar&ccedil;ons, sans les nier mais en envisageant un monde plus libre, pas forc&eacute;ment tendre, entre r&eacute;f&eacute;rences au pass&eacute;, qu&rsquo;il avoue ch&eacute;rir, et ancrages dans un pr&eacute;sent bien r&eacute;el. Rencontre avec un gar&ccedil;on moderne, au quatri&egrave;me &eacute;tage d&rsquo;un immeuble tranquille au c&oelig;ur du 10e arrondissement.&nbsp;

“Ma mode est diverse, complexe, mais mon but n’est jamais
de choquer. Je veux faire la fête, m’amuser, célébrer toute cette diversité qui enrichit notre monde au quotidien.”

Entretien avec Glenn Martens

&Ecirc;tes-vous d&rsquo;accord avec le terme &ldquo;unisexe&rdquo; ? N&rsquo;est-il pas un peu d&eacute;mod&eacute; ? 
 
Glenn Martens : Effectivement, je ne suis pas certain que ce mot convienne. Je propose des v&ecirc;tements pour les hommes, d&rsquo;autres pour les femmes, et, dans ce grand vestiaire, 40 % de mes cr&eacute;ations sont pour les deux. Quand je commence &agrave; dessiner, c&rsquo;est une seule grande collection. &ldquo;Unisexe&rdquo; est une mani&egrave;re facile de qualifier le v&ecirc;tement. Mais, en r&eacute;alit&eacute;, plus qu&rsquo;un homme, une femme ou un groupe social, un individu portera le v&ecirc;tement, qui lui donnera un accent. Mes v&ecirc;tements sont l&agrave; pour qu&rsquo;une personnalit&eacute; se r&eacute;v&egrave;le.

 
En somme, vous ne faites pas de diff&eacute;rence, peu importe que ce soit un homme ou une femme ? 
 
En fait, sur mes d&eacute;fil&eacute;s homme, je pr&eacute;sente des pi&egrave;ces que je propose aussi pendant les d&eacute;fil&eacute;s femme. Ce sont exactement les m&ecirc;mes mod&egrave;les, sans retouches, identiques. Ces pi&egrave;ces vivront aux c&ocirc;t&eacute;s de silhouettes extra-f&eacute;minines ou de costumes tr&egrave;s masculins. 
Le v&ecirc;tement n&rsquo;est pas d&eacute;termin&eacute; par le corps, mais par une id&eacute;e. Oui, par des notions, des valeurs et des concepts de construction. L&rsquo;architecture du v&ecirc;tement est capitale pour nous. On peut moduler le v&ecirc;tement, la pi&egrave;ce s&rsquo;adapte &agrave; la personne qui la porte. 
&nbsp;

Par exemple avec une s&eacute;rie de&nbsp;Zip ou de pressions utilis&eacute;s exag&eacute;r&eacute;ment... 
 
Ou quand j&rsquo;allonge de mani&egrave;re excessive les manches d&rsquo;une chemise, d&rsquo;un blouson ou la jambe des jeans, que je glisse des articulations dans des pantalons de velours ou de cuir. Quand je joue la carte de l&rsquo;accumulation outranci&egrave;re en bas d&rsquo;un pantalon. En fonction de la mani&egrave;re dont la personne d&eacute;cide de porter tel ou tel v&ecirc;tement, la d&eacute;gaine sera compl&egrave;tement di &eacute;rente.

&nbsp;

Le v&ecirc;tement que vous proposez est-il en&nbsp;mutation ?

Constamment. C&rsquo;est vraiment ce sur quoi je travaille pour une grande partie de mes collections. La versatilit&eacute; est une valeur capitale de Y/Project.

&nbsp;

Et pour cela, vous puisez dans vos r&eacute;f&eacute;rences, vous vous inspirez de tout ?

Ma libert&eacute; est absolue et fondamentale. Du coup, je regarde du c&ocirc;t&eacute; de la sub-culture, des courants ethniques, de l&rsquo;histoire... Et je r&eacute;interpr&egrave;te. Par cons&eacute;quent, mes v&ecirc;tements sont impr&eacute;gn&eacute;s de cette r&eacute;interpr&eacute;tation. Quand, par exemple, un bombers est port&eacute; Zip ferm&eacute; sur un homme, il peut donner un effet tr&egrave;s hard, tr&egrave;s sub-culture ; mais quand je pr&eacute;sente le m&ecirc;me blouson, deux mois apr&egrave;s, sur une femme, Zip ouvert avec du velours ras ou des n&oelig;uds, &ccedil;a devient presque une pi&egrave;ce baroque. J&rsquo;aime que cette pi&egrave;ce ait diff&eacute;rentes vies et diff&eacute;rentes personnalit&eacute;s.&nbsp;

 
 
Ce glissement des lignes n&rsquo;est-il pas un peu normal dans notre &eacute;poque de r&eacute; exion sur le genre, les fronti&egrave;res ? L&rsquo;ouverture vous int&eacute;resse-t-elle ? 
 
La libert&eacute; m&rsquo;int&eacute;resse, la libert&eacute; plus que la gloire. Nous avons la chance de vivre dans des grandes villes, Paris, Londres, New York, Berlin, suppos&eacute;es c&eacute;l&eacute;brer la libert&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre, l&rsquo;individualit&eacute;. Nos parents se sont battus pour cela, nos grands-parents aussi, aujourd&rsquo;hui nous devons la c&eacute;l&eacute;brer, c&rsquo;est ce que je fais avec cette marque.

 
La mode doit-elle avoir ce r&ocirc;le ?

La mode n&rsquo;a pas de r&ocirc;le pr&eacute;cis &agrave; jouer. Elle est simplement un moyen d&rsquo;expression. Elle est un business et un moyen pour une personne, le cr&eacute;ateur, d&rsquo;exprimer ses sentiments, c&rsquo;est un prolongement de la personnalit&eacute;. Mais, &agrave; la fin, elle reste une a affaire de v&ecirc;tements.&nbsp;

 
Elle a donc une fonction vestimentaire, esth&eacute;tique, mais aussi de r&ecirc;ve ? 
 
Oui, mais elle n&rsquo;est pas enferm&eacute;e dans une obligation sociale.

 
Elle est quand m&ecirc;me tr&egrave;s revendicative en ce moment !

Oui, bien s&ucirc;r, et plein de cr&eacute;ateurs font cela tr&egrave;s bien. Moi, j&rsquo;aime la mode pour ce qu&rsquo;elle permet d&rsquo;&ecirc;tre. Sans rester enferm&eacute; dans un r&ocirc;le. Nous sommes, vous, moi, plusieurs personnalit&eacute;s &agrave; la fois. Je peux &ecirc;tre un businessman redoutable comme un amant, le pire des club kids, un tonton ou un parrain hyper-aimant. En une semaine, je suis tout cela. Et cette chance dont nous disposons, je l&rsquo;affirme dans mes collections. Mais il n&rsquo;y a aucun statement politique. Je joue la carte de l&rsquo;esth&eacute;tique et de l&rsquo;&eacute;motion, pas du politique.&nbsp;

&nbsp;

&Ecirc;tes-vous conscient que votre mode ressemble &agrave; une sorte&nbsp;de puzzle construit autour&nbsp;de r&eacute;f&eacute;rences multiples, les ann&eacute;es 1990, le street wear, la renaissance, Tupac, Napol&eacute;on... et que tout cela donne un&nbsp;langage radical, presque brutal, m&ecirc;me s&rsquo;il s&rsquo;affirme aussi comme extr&ecirc;mement po&eacute;tique ?

Ma mode est diverse, complexe, mais mon but n&rsquo;est jamais de choquer. Je veux faire la f&ecirc;te, m&rsquo;amuser, c&eacute;l&eacute;brer toute cette diversit&eacute; qui enrichit notre monde au quotidien. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;&eacute;quipe autour de moi est &agrave; l&rsquo;image de ce que je suis. Nous sommes quinze, il y a deux Fran&ccedil;ais, un Turc, un Am&eacute;ricain, un Canadien, des Isra&eacute;liens, des Belges... Plein d&rsquo;histoires qui se croisent, de personnalit&eacute;s diverses.

&nbsp;

Vous &ecirc;tes tous tr&egrave;s jeunes !

Oui, et je suis l&rsquo;a&icirc;n&eacute; (rires).

&nbsp;

Et vous &ecirc;tes tr&egrave;s d&egrave;le, votre &eacute;quipe vous suit depuis longtemps.

Tout est tr&egrave;s &eacute;motionnel.

&nbsp;

&nbsp;

img13.jpg

La mode est &agrave; la limite de beaucoup de choses en ce moment, elle confronte pass&eacute; 
et futur, trash et bourgeoisie... Comment vous placez-vous par rapport &agrave; cela ? Qu&rsquo;est-ce qui est laid ou beau pour vous ?

Je n&rsquo;ai aucune r&egrave;gle. Tout cela est tr&egrave;s socioculturel. Ce sont des balances, des proportions qui sont accept&eacute;es et consid&eacute;r&eacute;es comme esth&eacute;tiquement correctes. J&rsquo;ai grandi &agrave; Bruges, petite ville mus&eacute;e, sublime, aussi belle qu&rsquo;ennuyeuse, dans une famille classique et traditionnelle, un p&egrave;re juge, une m&egrave;re infirmi&egrave;re, des grands-parents maternels dans l&rsquo;arm&eacute;e...

&nbsp;

Vous avez donc h&eacute;rit&eacute; d&rsquo;un go&ucirc;t assez classique ?

Super-classique! J&rsquo;&eacute;tais dans un coll&egrave;ge catho, j&rsquo;ai fait du latin... J&rsquo;ai tr&egrave;s longtemps &eacute;t&eacute; obs&eacute;d&eacute; par cette beaut&eacute; uniforme. Je me souviens m&ecirc;me de mon premier voyage sans mes parents, j&rsquo;&eacute;tais extr&ecirc;mement d&eacute;&ccedil;u car ce n&rsquo;&eacute;tait pas aussi parfait esth&eacute;tiquement que Bruges. Je cherchais cette balance. Accepter le laid n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; &eacute;vident. Je l&rsquo;ai longtemps refus&eacute;, seule comptait cette beaut&eacute;. Puis, ayant totalement dig&eacute;r&eacute;, int&eacute;gr&eacute; cette &eacute;l&eacute;gance classique, je me suis dit qu&rsquo;il serait int&eacute;ressant d&rsquo;aller chercher son contraire. Je me suis int&eacute;ress&eacute; &agrave; tout ce qui fait peur, qui fait mal. Puis je les ai plac&eacute;s sous la lumi&egrave;re, au c&oelig;ur de mon esth&eacute;tique.

 
Ce qui veut dire ?

J&rsquo;ai utilis&eacute; de la fausse fourrure, du velours, trouv&eacute; des proportions mal plac&eacute;es. Mon d&eacute;fi&nbsp;&eacute;tait de rendre toutes ces choses belles et accessibles. Voil&agrave; le point de r&eacute;flexion de Y/Project. Tous les jours, avec mes &eacute;quipes, on se demande si on d&eacute;passe les limites.&nbsp;

 
Quelles sont-elles, ces limites ?&nbsp;

Je ne le sais pas moi-m&ecirc;me. C&rsquo;est quelque chose d&rsquo;&eacute;motionnel. Beaucoup de r&eacute;flexion, un sentiment. Chaque saison, je fais des fautes, je vais trop loin.

 
&Ecirc;tes-vous all&eacute; trop loin pour cette collection printemps-&eacute;t&eacute; ?

Je grandis donc je fais moins d&rsquo;erreurs. Il ne faut pas que ce soit trop &eacute;l&eacute;gant, je vais trouver des couleurs qui, a priori, ne vont pas ensemble mais qui, en r&eacute;alit&eacute;, fonctionnent. Mon but est de cr&eacute;er l&rsquo;inattendu.

 
Quelles sont les silhouettes compl&egrave;tement abouties dans cette collection ? Celles qui font mal, pour reprendre votre expression : le body bustier en vache, le body en velours avec des bretelles en perles ?

&Ccedil;a fait mal c&rsquo;est vrai. Le body vache est un grand moment. Il est construit comme un bustier Renaissance, il n&rsquo;y a pas de buste inclus, donc il est tr&egrave;s plat, con&ccedil;u pour exploser la poitrine. Il reforme la silhouette de celle qui le porte, il la flatte. Mais ce n&rsquo;est pas donn&eacute; tout de suite... Il faut le vouloir. Ou pas. Dans chaque pi&egrave;ce, j&rsquo;aime trouver ce second degr&eacute;. Mais chacun est libre de vouloir le d&eacute;couvrir ou pas.

 
Vous n&rsquo;&ecirc;tes pas pour l&rsquo;id&eacute;e des codes et des tribus ?

C&rsquo;est exactement ce dont nous ne voulons pas.&nbsp;Aucune tribu !

 
Pourtant on y revient, les maisons de mode ont des gangs... 

C&rsquo;est plus facile commercialement. Les marques fabriquent des arm&eacute;es, et, en portant une pi&egrave;ce, on entre dans un clan. Nous sommes &agrave; l&rsquo;oppos&eacute;. M&ecirc;me si nos d&eacute;fil&eacute;s ont une image tr&egrave;s forte, dans la collection il y a une diversit&eacute; immense. Bombers, robes de cocktails, tailoring... Coton, nylon, velours, denim, Harris Tweed... Il y a toujours des concepts constructifs que l&rsquo;on d&eacute;veloppe, qu&rsquo;ils soient per&ccedil;us ou non.

&nbsp;

La griffe Y/Project af che beaucoup de temp&eacute;rament, loin des propositions standardis&eacute;es ou de l&rsquo;uniforme...

Mais nous avons aussi des pi&egrave;ces tr&egrave;s clas- siques, j&rsquo;aime chatouiller les choses. En revanche, il n&rsquo;y a pas de pi&egrave;ces basiques mais plut&ocirc;t passe-partout.

 
 
Que pensez-vous des notions de v&ecirc;tements de nuit et de jour ? Comment s&rsquo;habille-t-on la nuit? 

En g&eacute;n&eacute;ral, on ne s&rsquo;habille pas. J&rsquo;image qu&rsquo;on adore &ecirc;tre &agrave; poil la nuit... J&rsquo;aime l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&ecirc;tre cool la nuit en jean et hoody ou en robe, &ccedil;a d&eacute;pend des nuits. J&rsquo;ai besoin de me d&eacute;fouler la nuit, comme j&rsquo;ai besoin de partir en &Eacute;cosse faire des treks avec des amis, on ne boit pas, on ne mange pas, on marche sous la pluie avec nos sacs &agrave; dos. Tous ces extr&ecirc;mes forment une personne, j&rsquo;en ai besoin.&nbsp;

Vous reconnaissez donc &ecirc;tre extr&ecirc;me...

Je peux &ecirc;tre un asc&egrave;te, rester enferm&eacute; dans mon appartement trois semaines puis devenir tout le contraire. Je ne me sens pas oblig&eacute; de suivre un chemin.

&nbsp;

Ressentez-vous cette libert&eacute; dans ce monde violent, avec des hommes d&rsquo;&Eacute;tat &eacute;lus qui ne pr&ocirc;nent ni la mixit&eacute; ni l&rsquo;ouverture ?

Je ressens les deux, un monde qui se referme, qui devient ultra-conservateur, et en m&ecirc;me temps des gens, autour de moi, qui usent et jouissent de cette libert&eacute;, qui n&rsquo;ont pas peur.

&nbsp;

Le jugement est peut-&ecirc;tre moins important.

Il est l&agrave;, mais on s&rsquo;en fout. Tant que l&rsquo;on est respectueux, on peut faire ce que l&rsquo;on veut.

&nbsp;

Il faut n&eacute;anmoins avoir des racines, une culture, des parents, des personnes qui transmettent une base solide.

Je peux dire que toutes les personnes n&eacute;es en Europe occidentale ces trente derni&egrave;res ann&eacute;es ont de la chance. Apr&egrave;s, c&rsquo;est ce qu&rsquo;on en fait. J&rsquo;ai une base, un clan, mais il a fallu que je m&rsquo;&eacute;mancipe et que je d&eacute;cide de sortir du monde familial de colonels et de gendarmes dans lequel j&rsquo;ai grandi. Je suis parti pour Paris faire du chiffon.

&nbsp;

&Eacute;tait-ce difficile ?

Pas tant que &ccedil;a, mais c&rsquo;&eacute;tait un peu r&eacute;volutionnaire... J&rsquo;avais pr&eacute;vu mon coup, j&rsquo;ai fait &ccedil;a de mani&egrave;re subtile. J&rsquo;&eacute;tais premier de la classe, je sortais de l&rsquo;&eacute;cole de mode d&rsquo;Anvers, j&rsquo;avais un boulot &agrave; Paris qui m&rsquo;attendait... Ma famille a jou&eacute; le jeu. Mais j&rsquo;avoue que c&rsquo;&eacute;tait un peu la d&eacute;couverte.

&nbsp;

Pas de regret ?

Aucun regret. Je suis tr&egrave;s heureux.

&nbsp;

Vous arrive-t-il d&rsquo;&ecirc;tre nostalgique ?

J&rsquo;ai une immense dualit&eacute;. Je peux &ecirc;tre extr&ecirc;mement froid et absolument romantique. J&rsquo;ai une obsession pour l&rsquo;histoire, donc j&rsquo;ai de la nostalgie. J&rsquo;ai toujours un peu de spleen en toile de fond, je dois dire que j&rsquo;adore &ccedil;a !

&nbsp;

L&rsquo;entretenez-vous ?

J&rsquo;aime bien vivre dans le malheur, il y a tellement de passions. Je me sens vivant quand je pleure.

&nbsp;

Vous regardez-vous pleurer ?

C&rsquo;est tellement bien! Mais je n&rsquo;ai pas vraiment le temps pour &ccedil;a. Je pr&eacute;f&egrave;re accorder du temps &agrave; ces moments m&eacute;lancoliques. Mon r&ecirc;ve est d&rsquo;&ecirc;tre &agrave; Venise en hiver, de ne rien faire et de regarder le ciel gris sur les canaux.

&nbsp;

Et la musique, qu&rsquo;&eacute;coutez-vous la nuit ?&nbsp;

Oh c&rsquo;est compliqu&eacute;, j&rsquo;ai tellement de nuits diff&eacute;rentes.

&nbsp;

En ce moment, par exemple ?

Depuis le Nouvel An, je suis en mode ramadan, ce qui est mieux en p&eacute;riode de d&eacute; l&eacute;s. Donc la prochaine nuit, ce sera plus tard...

&nbsp;

Et ce sera...

Une grande f&ecirc;te chez des amis !

&nbsp;

D&rsquo;autres musiques de nuit, pour le spleen, pour danser, pour aimer ?

J&rsquo;ai une culture musicale tr&egrave;s &eacute;clectique. Quand je sors, c&rsquo;est plut&ocirc;t de l&rsquo;&eacute;lectro ou de la techno. Pour pleurer, j&rsquo;&eacute;coute Barbara. Pour travailler, je suis plut&ocirc;t musique classique ou baroque. Le jour, je dirais TLC, Massive Attack, Radiohead. Et le matin, c&rsquo;est FIP, j&rsquo;adore FIP, et m&ecirc;me la nuit je peux me retrouver &agrave; boire des verres jusqu&rsquo;&agrave; 3 heures en &eacute;coutant la radio.

www.yproject.fr&nbsp;

Confessions d'un enfant du siècle

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