Dans un fauteuil Ligne Roset
Un dessin, une silhouette, des épaisseurs, un rythme : tous ensemble, ils participent d’une émotion immédiatement accessible. On s’assied sur une chaise. On est dans un fauteuil. Celui-ci embrasse ou étreint, et cet aspect d’invitation s’étend à son hérédité même: il s’inscrit de manière décidée (et honnête), dans une histoire. Il participe d’une généalogie du fauteuil. Le designer éclaire une référence aux frères Castiglioni (Sanluca, 1959), à la Lounge Chair des Eames (N°670, 1956). C’est le Tre Pezzi de Franco Albini (1959, Cassina) qui porterait les éléments de paternité les plus importants, pour la plasticité et volupté d’un dessin qu’on pourrait lire comme celle du corps humain en découpages de volumes abstraits. On pourrait aussi convoquer, plus accessoirement d’autres détails. Ils renvoient, de manière plus ou moins consciente, à des instants inscrits dans une mémoire collective : la lisibilité de la structure d’acier, où un certain mobilier des années 20 a pu imprimer quelques grandes marques (voir par exemple les tables et chaises du café de l’Aubette par Theo van Doesburg, Hans Arp et Sophie Tauber - notamment pour certaines épaisseurs et les petites platines qui terminent les pieds), des éclairs de Thinking Man’s Chair (1986, Jasper Morrison), pour cet intérêt du squelette - ne serait l’ajout ici décisif des éléments du plus grand confort, distingués, qui contribuent à structurer dynamiquement l’ensemble : c’est aussi dans cet échange de la légèreté et de l’épaisseur, du lourd et de l’impondérable, qu’on trouvera certaines des clés qui garantissent d’échapper à l’étouffement de la prison bourgeoise.