Le yoga est-il une réponse au burn-out ?
En une époque où l’urgence climatique pèse chaque jour davantage et où la déconsommation est devenue une nécessité, le bien-être n’a jamais autant compté. Longtemps réservés à une minorité, yoga et autres méditations ont pris tellement d’ampleur qu’ils représentent désormais une nouvelle issue professionnelle. Ainsi, lorsque des working girls assumées affrontent un burn-out, elles ne se reconvertissent plus dans des bijoux éthiques, des pyjamas en soie ou des sweat-shirts à messages. Au contraire, elles décident de gagner leur vie en partageant ce qui a changé leur quotidien… c’est-à-dire le yoga !
De l’aventure intérieure au projet de vie
Ca a été le cas d’Anne Bianchi, directrice de rédaction d’un magazine féminin qui, au moment du rachat de celui-ci, a saisi la perche pour se réinventer : « je me sentais en conflit entre ce que j’étais et ce que je faisais. Quand on m’a proposé des postes équivalents, j’ai refusé. À 42 ans, j’ai enfin accepté le vide et la remise en question. » En étudiant la psychothérapie intégrative, Anne réalise que le yoga, qu’elle pratique depuis plus de vingt ans, est d’une aide précieuse, en particulier le kundalini : « La seule thérapie efficace, d’après moi, est celle du corps. » Larguant les stilettos pour les turbans blancs, elle décide de suivre un teacher training, mais sans envisager d’enseigner, se pensant trop timide. Jusqu’au jour où elle rencontre une autre adepte de yoga qui lui demande de lui donner des cours : « De fil en aiguille, j’ai eu d’autres sollicitations, d’autres élèves, et j’ai vu que ça me plaisait de transmettre. En deux ans, ça s’est accéléré. C’est une aventure intérieure matérialisée en projet de vie. » Ses cours du Satnam Montmartre étant pris d’assaut, Anne compte s’agrandir en 2019. Parmi ses habituées, Lili Barbery-Coulon, que l’on connaît pour ses activités de journaliste et blogueuse beauté. Avec son livre Pimp my Breakfast, elle ouvrait déjà la porte à des saveurs respectueuses de l’environnement. Son dernier fait d’armes : une collaboration avec Damart pour une tenue de yoga permettant de pratiquer à l’extérieur.
Certains lèvent un sourcil, imaginant que Lili surferait sur la tendance. A tort : il s’agit plutôt d’une épiphanie vécue lors d’un cours de kundalini : « J’étais en quête de sens. Comme beaucoup d’autres, je vivais une course effrénée qui ne s’apaise que le weekend et les vacances. J’ai alors décidé de tout changer : ma façon de travailler, mon rapport aux autres, mon alimentation. » Refusant désormais de collaborer avec des marques non engagée écologiquement, quitte à gagner moins d’argent, Lili veille à la cohérence de sa démarche : « pourquoi faire du yoga et manger bio si c’est pour prendre des taxis polluants pour courir d’un point A à un point B ? » Comme Anne, elle a suivi un teacher training pour devenir autonome dans sa pratique, mais transmet aujourd’hui son savoir. Et nous rappelle que c’est au Tigre qu’elle a découvert la dimension salvatrice du yoga. En créant ces espaces parisiens et normands où l’on peut enchaîner les postures 7 jours sur 7 et sur des larges créneaux horaires, Elodie Garamond a exaucé les souhaits de citadines débordées. Jusqu’alors, elle travaillait dans un grand groupe de communication. Le déclic ? « Une simple prise de conscience que la vie était en train de se passer sans que j’en sois actrice. J’ai toujours eu en tête que je devais avant tout me satisfaire moi-même, aimer ce que je proposais aux autres. Aujourd’hui encore je partage tout ce que mes élèves vivent… même si mon assiduité laisse parfois à désirer ! » S’inscrivant dans une véritable démarche entrepreneuriale en devenant « patronne », Elodie reconnaît volontiers que son ancien métier, tout en adaptabilité humaine et en réactivité, a beaucoup nourri son activité actuelle : « il m’a appris une logique de pensée à 360° qui m’a été plus qu’utile quand je me suis retrouvée dans mon Tigre à devoir tout gérer du sol au plafond ! »
Pas de nouveau karma, mais une reconnexion à la terre
Ne pas renier son métier mais, au contraire, le réinventer de manière à la fois prosaïque et spirituelle : c’est ce que fait aujourd’hui Sibylle Grandchamp, fondatrice des Merveilles, programme de retraites créatives à travers le monde. Après des années passées dans des magazines de mode, où son métier de journaliste la fait beaucoup voyager, elle décide de « concrétiser des rencontres et ces moments esthétiques, donner vie à ces lieux dans le but de partager concrètement avec les autres, d’aller plus loin que la retranscription par l’écriture. » Elle imagine donc le concept des Merveille, ces retraites dans les Alpilles ou en Toscane, où l’on pratique le yoga, la randonnée, où l’on en apprend davantage sur les plantes ou les saisons. Bref, on y respire : « Il n’y pas l’idée de promettre un nouveau karma, mais plutôt se reconnecter à la terre via le yoga. Après des années à décrypter les tendances, j’ai voulu proposer quelque chose de plus signifiant. » C’est-à-dire profiter d’un endroit sublime à l’autre bout du monde. Et sans consommer. Elodie, Anne, Lili et Sibylle ne sont pas les seules à vouloir s’échapper du trop plein consumériste. On entend souvent de nouveaux noms, tels celui d’Hélène Duval avec Yuj Yoga, soumettre des propositions bien-être à des personnes en soif de spiritualité. Une nouvelle forme de business ? Peut-être, mais pas seulement. « Nous sommes juste des épiphénomènes, analyse Lili Barbery-Coulon. Nombreuses sont celles qui traversent cette transformation. On peut avoir l’air d’illuminé.e.s dans cette période tendue où il y a une forte montée de la colère, mais il est urgent de nous réaliser parce qu’il n’y a plus le choix. » Contredisant ceux qui les accusent d’opportunisme, la plupart de ces femmes sont pourtant loin de gagner le même salaire qu’auparavant. Réfutant l’idée d’un yoga pratiqué en solitaire, elles préfèrent une version plus ludique, adaptée à nos désirs les plus profonds. Pas besoin d’ashram pour être sincère. Au vu du succès des formations en yoga et/ou de méditation, naturopathie ou sophrologie, force est de constater qu’il ne s’agit plus d’une mode à suivre, mais d’un phénomène de société qui, face à l’accélération chaotique du monde, doit absolument se retrouver.