Sharon Stone trouve une nouvelle vie dans l'art
Dans un retour à elle-même, Sharon Stone joue son deuxième acte en tant qu’artiste visuelle.
Photographie Eric Michael Roy
Stylisme Paris Libby
Sharon Stone a un problème relativement unique dans le monde de l’art. “Quand j’ai une exposition, c’est plein à craquer et les gens ne veulent pas rentrer chez eux, confie-t-elle à L’Officiel depuis sa maison de Beverly Hills, en mars dernier. Je pense que c’est un signe que quelque chose va bien dans mon travail.” Peintre depuis son plus jeune âge, Madame Stone a repris ses pinceaux pendant la pandémie et ne les a pas lâchés depuis. Sa première exposition, “Shedding”, à l’Allouche Gallery de Los Angeles, était remplie de paysages abstraits inspirés par sa petite enfance rêveuse, sa connexion à la nature et l’influence d’artistes qu’elle admire, tels Calder, Miró et Kandinsky. Elle nous explique pourquoi elle s’est remise à peindre, ce qu’elle a appris de Tony Duquette et pourquoi elle a cessé d’écouter les misogynes depuis longtemps.
L’Officiel : Quand avez-vous commencé à peindre ?
Sharon Stone : Petite, grâce à ma tante Vonne, peintre elle-même, qui vivait à côté de ma grand-mère, à Oil City, en Pennsylvanie, où je passais toutes mes vacances scolaires. Elles ont eu, toutes les deux, une influence énorme sur moi. Ma tante était une femme très en avance sur son temps, comme ma grand-mère. Elles avaient beaucoup de style, c’était des femmes hilarantes, libérées, turbulentes. La maison de ma grand-mère avait trois étages et ma tante y peignait des paysages dans les escaliers. Du côté de mon père, la famille était très matriarcale et très cool. J’aime peindre la nature, des sortes de paysages magiques. Je pense que ça vient de là. Il y avait une grande table ronde dans la cuisine de ma grand-mère, et j’avais l’habitude de passer beaucoup de temps dessous. Les adultes parlaient, j’écoutais et je regardais les peintures sur les murs. Cela a été une partie importante de mon enfance.
L’O : Cela semblait être un bon endroit pour devenir un artiste…
ss : Oui. C’était des personnages incroyables. Ma grand-mère volait l’argenterie sur les tables des restaurants, elle m’a appris à voler à la tire. Elle disait : “Ils ne mettraient pas le nom du restaurant dessus s’ils ne voulaient pas que tu le prennes.” Mon grand-père a été l’un des premiers foreurs de pétrole à Oil City. Ils étaient très, très riches. Puis la plateforme pétrolière a explosé et a tué tout le monde. Mon grand-oncle, puis mon grand-père quatre mois plus tard, et tout le monde a perdu sa fortune. L’atmosphère familiale était un peu folle. Mon père a travaillé très dur, et a fini par racheter la maison familiale où, ensuite, toute la famille a emménagé.
L’O : Et vous avez commencé à peindre…
ss : Le métier d’acteur m’en a empêché un certain temps. Mais lorsque la pandémie est arrivée, j’ai recommencé. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Je peins juste pour peindre. Un jour j’ai offert un tableau à mon amie Anastasia [Soare] pour son anniversaire. J’étais chez elle, lors d’une fête, et les gens ont commencé à me passer commandes. Je n’en pouvais plus et je suis rentrée chez moi. Une dizaine de jours plus tard, une galerie m’a appelée.
L’O : C’est une histoire hollywoodienne, si vous n’étiez pas déjà une star de cinéma. Pourquoi avez-vous appelé l’exposition “Shedding” ?
ss : Je pense qu’après ce que nous avons vécu avec le Covid, nous nous débarrassons de nos fausses identités, des gens, des larmes et de la vie que nous avions avant la pandémie. Nous sommes dans une nouvelle vie, à la recherche d’un nouveau soi.
L’O : Cette pratique de la peinture est radicalement différente de celle du jeu d’acteur où vous n’êtes jamais seule…
ss : Vous pouvez toucher une peinture, la sentir, la voir. Personne ne peut la modifier une fois que vous l’avez terminée. Il ne s’agit pas d’une collaboration ; je suis seule, ce qui est très apaisant et stimulant. J’ai l’impression d’être revenue à ce que j’aime, à mon cœur, à ma tranquillité d’esprit, à mon centre de douceur. Toutes ces autodéfenses que l’on a quand on est trop grand, trop petit, trop gros, trop mince, trop blond, trop brun, trop blanc, trop noir… Avec ma peinture, je peux simplement être moi-même, seule avec mon art. C’est tellement nourrissant et réparateur pour moi, cela me permet d’être quelqu’un de beaucoup plus généreux, aimant et gentil. Je me sens pleine à nouveau. La célébrité est un vampire.
L’O : Vous allez donc continuer à peindre ?
ss : Oh, mon Dieu, oui. Peu importe ce qui se passe, je m’en fiche. La couleur est une onde comme tout le reste. Je pense qu’être coloriste est mon véritable talent. D’ailleurs, j’ai décoré les maisons de tout le monde. Je choisis les tissus, les tapis pour les gens, puis je demande à un designer d’assembler le tout.
L’O : Une autre carrière s’offre à vous si vous le souhaitez !
ss : À un moment donné, j’y ai pensé. Tony Duquette a été mon voisin pendant vingt ans. J’ai beaucoup appris de lui, c’était un génie. Un jour il est entré dans ma maison et en voyant le plafond de mon salon, il m’a dit : “Le ciel n’est pas une zone morte. Il devrait y avoir une couleur.” Qui vous dit de peindre le plafond de votre maison d’une couleur ? “Peignez votre plafond en bleu, en prune, en vert, comme vous voulez, mais peignez votre plafond d’une couleur.”
L’O : D’une certaine manière, c’est aussi ce que vous faites. Comme votre plafond qui est aussi le ciel, vous êtes une actrice qui est aussi peintre…
ss : Quand je suis arrivée à Hollywood et que j’ai voulu écrire des paroles de chansons ou peindre, ou faire ceci ou cela, on me disait toujours : “Restez dans votre voie”. Ce qui signifie, “Restez à votre place”. Ugh. Je ne veux plus jamais entendre ça de toute ma vie.
L’O : Vous ne voulez plus que qui que ce soit puisse entendre cela…
ss : Exactement. Si je peux faire quelque chose dans ce monde pour aider en ce sens, c’est cela. Je ne veux plus entendre des hommes non qualifiés me dire ce que je dois faire de moi-même.
L’O : Que signifie le fait que vous peigniez à ce moment de votre vie ?
ss : Le crois que nous faisons tous un certain voyage, et que nous pouvons choisir avec quel degré d’intégrité nous le faisons. C’est le sens de notre destin. Pour moi, c’est le moment ou jamais.
COIFFURE Teressa Hill
MAQUILLAGE Amy Oresman
