Débit de torrent de montagne post-fonte des neiges, regard de précision chirurgicale, pensée en infinis archipels, Hans Ulrich Obrist – Directeur des Serpentine Galleries de Londres et commissaire d’ampleur – rassemble en une seule unité de production, lui-même, les capacités, et sans doute les désirs, de plusieurs. Portrait d’un honnête homme impatient.

Il faut avoir exp&eacute;riment&eacute; la r&eacute;ponse d&rsquo;Hans Ulrich Obrist &agrave; une invitation d&rsquo;interview &ndash; qu&rsquo;il sugg&egrave;re tenir &agrave; 6 heures du matin (8 heures dans les meilleurs cas) &ndash; pour comprendre combien cet &ecirc;tre tout de chair et de sang est aussi probablement fait de l&rsquo;&eacute;toffe des robots. Version intelligence derni&egrave;re, voire future g&eacute;n&eacute;ration. Jamais (ou si peu) fatigu&eacute;, malade, d&eacute;senchant&eacute;... Alors oui, il fonctionne, pour son entourage, comme un &eacute;lixir de jouissance du vivace et bel aujourd&rsquo;hui, et du moment d&rsquo;apr&egrave;s. Tant il porte de projets, tant il travaille &agrave; r&eacute;unir et r&eacute;fl&eacute;chir les disciplines autour de son unique v&eacute;ritable passion, l&rsquo;art. Depuis sa prime jeunesse, pour mener &agrave; bien son grand &oelig;uvre &ndash; alimenter chaque instant de son existence de savoirs et de questionnements &ndash;, il suit son propre algorithme. Avant d&rsquo;endosser des responsabilit&eacute;s et leur cort&egrave;ge de contraintes sociales, il avait adopt&eacute; le tempo de Vinci, alternant trois heures de veille et quinze minutes de sommeil. Puis obligations professionnelles obligent, il a mis au point un rituel de vie auquel il ne d&eacute;roge gu&egrave;re. Lever 6 heures, coucher minuit&nbsp;: entretemps il aura force lu, vu, parl&eacute;, &eacute;crit&hellip; mais &eacute;galement communiqu&eacute; avec ses trois assistants. Deux diurnes, localis&eacute;es dans les Serpentine Galleries, un nocturne (sis &agrave; son domicile londonien)&nbsp;: un certain Shackleton, descendant direct de l&rsquo;explorateur de l&rsquo;Antarctique, de bonne endurance donc. Charge pour lui &ndash; entre autres &ndash; de transcrire les interviews d&rsquo;Obrist. Stakhanoviste de l&rsquo;exercice, il a accumul&eacute; des milliers d&rsquo;heures de captation de rencontres d&rsquo;artistes, philosophes, architectes&hellip; Dans le lexique Obristien&nbsp;: urgent, archipel (qu&rsquo;il prononce arkipel), connexion, d&eacute;mocratie. D&rsquo;aucuns lui reprochent un manque de sens critique public, lui se concentre sur ce et ceux qui l&rsquo;int&eacute;ressent profond&eacute;ment et dont il pressent l&rsquo;apport aux grands d&eacute;bats du monde. En ce sens, il s&rsquo;inscrit dans une pens&eacute;e positive. A son actif, exhumation de l&rsquo;oubli d&rsquo;artistes importants, tels que Huguette Caland, Etel Adnan, mais aussi mise sur orbite de jeunes cr&eacute;ateurs devenus grands, Olafur Eliasson, notamment. Adepte de l&rsquo;abolition des limites temporelles, spatiales, intellectuelles, il s&rsquo;int&eacute;resse au renouvellement des r&egrave;gles du jeu, comme dans &ldquo;Do It&rdquo;, principe d&rsquo;exposition mis au point avec Christian Boltanski en 1994, et qu&rsquo;il ne cesse de r&eacute;inventer.

Celui qui jugeait l&rsquo;&eacute;cole &ldquo;trop lente&rdquo; a tr&egrave;s t&ocirc;t r&eacute;alis&eacute; son Grand Tour. A 17 ans, le fils unique d&rsquo;un paisible couple suisse des environs de Saint-Gall d&eacute;cide de d&eacute;couvrir le vaste monde de l&rsquo;art&nbsp;: les mus&eacute;es et les artistes. Direction les trains de nuit, qui lui autorisent un voyage &eacute;conome en temps de veille et lui &eacute;pargnent les frais d&rsquo;une nuit d&rsquo;h&ocirc;tel. De Fischli et Weiss, en passant par Alighiero Boetti, Louise Bourgeois, Christian Boltanski et Harald Szeemann, il se sera confront&eacute; aux plus grands acteurs de l&rsquo;art contemporain.

En pr&eacute;face &agrave; dontstopdontstopdontstop, ouvrage rassemblant les textes &eacute;crits entre 1990 et 2006, sur des expositions cl&eacute;s d&rsquo;Obrist telles &ndash; &ldquo;Hotel Carlton Palace&rdquo;, &ldquo;Cities on the Move&rdquo;, &ldquo;Do It&rdquo; ou &ldquo;Utopia Station&rdquo;&hellip; &ndash;, Rem Koolhaas remarquait qu&rsquo;a contrario des personnalit&eacute;s avides du verbe, enclines &agrave; vouloir capter et garder la lumi&egrave;re, Obrist aime &agrave; faire circuler la parole. Avec le m&ecirc;me Koolhaas, il avait organis&eacute; en 2006 le 1er Marathon, soit une session de 24 heures d&rsquo;interviews. Depuis, il a r&eacute;cidiv&eacute;, rassemblant autour de lui des personnalit&eacute;s de toutes disciplines (scientifiques, philosophes, auteurs, architectes&hellip;). A la mani&egrave;re d&rsquo;un Diaghilev, il met en correspondance des individualit&eacute;s qui, par leurs &eacute;changes, apportent leur &eacute;cot au savoir collectif. Connecting people, est l&rsquo;un des nombreux, et g&eacute;n&eacute;reux, talents de HUO. A quoi attribuer cette pacifique voracit&eacute;&nbsp;? &ldquo;Peut-&ecirc;tre &agrave; la mani&egrave;re de Pessoa, suis-je en &eacute;tat permanent d&rsquo;intranquillit&eacute;&rdquo;, indique-t-il calmement. 
&nbsp;

<a href="https://www.serpentinegalleries.org/">https://www.serpentinegalleries.org/</a> 
<a href="https://theshed.org" target="_blank">https://theshed.org</a> 
<a href="https://www.instagram.com/hansulrichobrist/">@hansulrichobrist</a>

Hans Ulrich Obrist, Fast and Curious

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